Le nombre total des 'Pygmées' Mbuti, des chasseurs-cueilleurs habitant dans la forêt tropicale de l'Ituri, n'est pas connu, bien qu'il ait été estimé à 30 000 environ, occupant 50% des 37 860 km2 de la région de Mambasa. Leur existence est extrêmement fragile: leurs droits fonciers ne sont pas reconnus, ni par la loi ni par les systèmes de droit coutumier des peuples voisins, et les autorités de la Réserve naturelle d'Okapi ne leur permettent plus de chasser le grand gibier. Ils survivent maintenant en chassant de petits animaux, et en échangeant avec les peuples Bantous des environs du travail, du bois de feu et du gibier contre des aliments.
La forêt et, par voie de conséquence, l'approvisionnement en nourriture des Mbuti, sont de plus en plus menacés par l'expansion rapide des plantations commerciales effectuées par des exploitants forestiers ougandais, et par le nombre croissant de mines de coltan. (Le coltan est un minerai qui entre dans la fabrication des condensateurs pour la régulation du voltage et l'accumulation d'énergie dans les téléphones mobiles).
Bien que les rapports soient généralement bons entre les chasseurs-cueilleurs Mbuti et les agriculteurs-pêcheurs traditionnels Bila (qui pratiquent la culture itinérante), et que leur utilisation de la forêt soit durable, la pression sur celle-ci s'est vue augmentée par l'arrivée des chercheurs d'or. En effet, de nouveaux venus abattent la forêt pour y établir de vastes cultures permanentes de produits qu'ils vendent aux chercheurs d'or à des prix exorbitants, ce qui bouleverse autant l'économie locale que l'écologie, et donc la subsistance traditionnelle des Mbuti, qui se retrouvent de ce fait dans une situation de vulnérabilité.
Pour compléter leur malheur, les groupes rebelles Mouvement de Libération du Congo (MLC) et Rassemblement congolais pour la Démocratie-National (RCD-N) ont férocement persécuté les Mbuti par des mesures terroristes incluant des exécutions, des viols, des séquestrations, des tortures, des actes de cannibalisme et même de cannibalisme forcé. Au cours des derniers mois, des dizaines de milliers de civils ont fui pour échapper à l'avance du MLC, du RCD-N et de l'Union des Patriotes congolais (UPC), qui visent à s'assurer le contrôle des ressources minières, dont le coltan, l'or et les diamants. Plus de 10 000 réfugiés de la province d'Ituri ont traversé la frontière de l'Ouganda, et les rapports signalent que 100 000 personnes ont trouvé asile à Beni. Des informations récentes semblent indiquer qu'au moins 3000 'Pygmées' ont quitté la forêt ("pour la première fois depuis des années", suivant la Mission de l'ONU dans la République démocratique du Congo - MONUC). Un groupe d'au moins 1000 d'entre eux s'est réfugié dans le village de Mangina, tandis que d'autres campements de déplacés sont situés entre les villes de Mambasa et Beni. Les conditions d'insécurité des lieux ont empêché les organisations d'aide humanitaire de travailler en Ituri, de sorte que les Mbuti ont été dépourvus de nourriture, de sécurité et d'abris appropriés.
Les Mbuti ont donc grand besoin d'appui. Victimes d'une guerre civile qui leur est étrangère et qui a provoqué des violations innombrables des droits humains, ils se voient privés de leurs droits sur une forêt qui est manifestement leur foyer ancestral; leurs ressources alimentaires sont diminuées par des programmes de conservation qui leur refusent l'accès à leurs sources habituelles de protéines; leur territoire est envahi par des soldats, des chercheurs d'or et de coltan, et des agriculteurs venus d'ailleurs; leur forêt tropicale riche en diversité est remplacée par des monocultures d'arbres. Il faut faire quelque chose, mais tout de suite!
Par : Lucy Mulvagh, FPP, adresse électronique: lucy@fppwrm.gn.apc.org, http://www.forestpeoples.gn.apc.org. Pour davantage d'informations sur la situation en Ituri, les lecteurs peuvent consulter les sources suivantes: Bureau de Coordination de l'ONU pour les Affaires humanitaires, http://www.irinnews.org, ReliefWeb: http://www.reliefweb.int/w/rwb.nsf, Refugees International, 'Forgotten People: In the Ituri District of the Democratic Republic of the Congo', 15 janvier 2003, http://www.refugeesinternational.org/cgi-bin/ri/other?occ=00568&spotlight=1.