Le problème historique de la déforestation à Madagascar est lié aux politiques néfastes de l'Etat colonial concernant l'utilisation de la terre et l'agriculture. La déforestation à Madagascar a commencé en 1896, lorsque l'île a été annexée à la France en tant que colonie. L'annexion a été suivie d'une période caractérisée par un climat politique incertain et par la famine, et de nombreux malgaches ont essayé de survivre dans les forêts. Ces agriculteurs développèrent la méthode du nomadisme agricole ou culture itinérante, base de leur subsistance.
Depuis le début de l'époque coloniale, l'économie nationale malgache s'est caractérisée par la promotion des exportations. Le principal produit exporté était le café, mais du riz et de la viande de bœuf étaient également vendus à l'étranger. Originalement, le café était planté uniquement sur la côte Est, mais cette culture s'est étendue sur la totalité de l'île lorsqu'il s'est avéré que les producteurs pouvaient obtenir de gros profits. À cause de cette expansion du café, l'île a connu un développement économique accidenté. La demande excessive de main d'œuvre de la part du secteur du café a entraîné des périodes de pénurie de riz et la "sécurité alimentaire" de la nation s'est dégradée. La culture de riz était, par ailleurs, plus vulnérable aux changements climatiques et aux cyclones, qui aggravaient les pénuries. Des paysans qui cultivaient du riz auparavant ont émigré vers d'autres régions afin d'y cultiver du café et améliorer leurs revenus. Ils déboisaient des terres supplémentaires pour développer des cultures itinérantes et obtenir ainsi les aliments nécessaires à leur subsistance.
En réponse à l'augmentation de l'agriculture itinérante, le Gouverneur général a interdit sa pratique en 1909. Le but de cette interdiction était d'essayer de sauver ce qui restait du capital forestier du pays ainsi que d'imposer un "aménagement rationnel des ressources de la forêt". Mais les terres mises de côté par l'Etat pour y développer la culture de riz n'étaient pas adaptées en raison de la qualité du sol et donc, cette politique n'a pas réussi à résoudre le problème de la production de riz à Madagascar. Le gouvernement avait pensé, par ailleurs, que cette interdiction lui permettrait de percevoir davantage d'impôts puisqu'il serait plus facile de localiser les citoyens, obligés de rester sur place.
Mais les Malgaches ont interprété l'interdiction à l'opposé des intentions de l'Etat. Ils associaient le travail salarié à l'esclavage, et de nombreuses révoltes ont eu lieu. Les Malgaches ont non seulement ignoré l'interdiction mais, de plus, ils ont brûle illégalement de nombreuses acres de forêt en signe de protestation. "L'interdiction a transformé la pratique du nomadisme agricole en un symbole d'indépendance et de liberté envers la domination coloniale." Les Malgaches considéraient l'agriculture itinérante comme un moyen de subsistance sacré appris de leurs ancêtres.
La dégradation des forêts s'est aggravée lorsqu'en 1921, l'Etat a décidé de céder en concession des forêts de l'île à des exploitants forestiers. C'était assez ironique que l'Etat permit la coupe rase dans les concessions tandis que l'interdiction des cultures itinérantes était encore en vigueur. Et la surface des terres déboisées a dépassé largement celle accordée en concession étant donné que de nombreux propriétaires ont coupé des arbres en dehors des limites qui leur avaient été fixés. Le Service des Forêts n'a pas été capable de réglementer les concessions par manque de main d'œuvre ainsi que de volonté politique. Les autorités ont ignoré la plupart du déboisement illégal et les amendes imposées étaient largement inférieures aux dommages réels causés par celui-là. Ces politiques gouvernementales néfastes cumulées ont été à l'origine de "la destruction d'environ 70% des forêts primaires au cours des 30 années comprises entre 1895 et 1925".
Il est intéressant de signaler que la croissance de la population, tellement publicisée, n'a pas été un facteur de dégradation des forêts à Madagascar jusqu'en 1940, lorsque les vaccins ont réduit le taux de mortalité. Quarante ans après, la population avait rapidement passé de 4,2 millions à 9,2 millions, et 4 millions d'hectares de forêts avaient été complètement déboisés au cours de cette période de 40 ans allant de 1900 à 1940. Mais le gros de la déforestation restait lié aux concessions, à la promotion des exportations et à l'insécurité quant à la propriété des terres plutôt qu'à la croissance de la population elle-même.
Et ce qui est encore plus intéressant est que le processus décrit précédemment peut être comparé à ce qui s'est passé dans de nombreuses autres anciennes colonies européennes de la région tropicale, où les causes historiques profondes de la déforestation sont également clairement associées à l'expropriation et à l'exploitation des ressources naturelles au bénéfice des puissances coloniales. La plupart de ces colonies sont aujourd'hui formellement indépendantes mais il n'y a pas eu de changements significatifs dans le modèle économique non durable, hérité du régime colonial, en fonction duquel des matières premières abondantes et bon marché sont produites aux dépens des peuples et de leur environnement au bénéfice du Nord.
D'après: History and Current Crisis of Deforestation (Madagascar), revu par Alane O'Connor, Colby College, 1996, http://www.colby.edu/personal/t/thtieten/defor-mad.html