Des changements récents dans la Politique forestière de la Tanzanie (1998) et la nouvelle Loi forestière qui rendra cette Politique plus opérationnelle, ont frayé le chemin à plusieurs changements dans la manière dont la conservation des forêts doit être conduite en Tanzanie. Ces changements représentent également des modifications dans les rôles potentiels du Département forestier, des communautés locales et de plusieurs ONGs conservationistes.
Les montagnes Uluguru couvrent une énorme surface de terrain escarpé, qui s'élève à 2 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, et qui inclut partiellement six Divisions politiques. Quatre bureaux gouvernementaux ont la responsabilité des treize Réserves naturelles des Ulugurus, qui contiennent plus de 200 km2 de forêts. Les sommets des grands pics montagneux se trouvent dans deux grandes Réserves forestières de Captation (Uluguru Nord et Sud) gérées par le Projet des Forêts de Captation sous l'autorité de la Division forestière du gouvernement central. Ces deux réserves sont les sources d'eau les plus importantes du pays, assurant l'approvisionnement en eau à Dar es Salaam, et elles renferment d'autre part des richesses importantes en diversité biologique. Il y a également des Réserves de Forêts de Captation au bas des pentes de ces montagnes, et quelques autres plus petites qui appartiennent à l'autorité locale et sont gérées par le Directeur du District forestier par l'intermédiaire du Conseil du District.
Le projet a choisi de se centrer sur une région de la Division Mkuyuni qui contient une partie de la Réserve de Forêts de Captation de l'Uluguru Nord, ainsi qu'une zone, autrefois la plus vaste, de Terres générales, et quelques Réserves sous l'Autorité locale. Puisque ces régions boisées sont (ou étaient) contiguës à la réserve de l'Uluguru Nord, elles sont semblables du point de vue écologique, et entourées de peuples qui pratiquent des modes de vie analogues. On a donc supposé que ce serait une zone appropriée pour mettre à l'essai la participation de la population locale dans la gestion de la forêt.
Dans le cadre du projet, plusieurs activités ont été conduites dans les Terres générales et dans les Réserves sous Autorité locale:
* Un atelier de travail sur la cogestion des forêts a été organisé pour tous les leaders villageois. L'objectif était de provoquer la prise de conscience de ces leaders sur la conservation de l'environnement et sur d'autres aspects concernant la nouvelle approche de la gestion des forêts contenue dans la Politique Forestière de 1998.
* Un échange de visites a eu lieu avec d'autres régions de la Tanzanie où l'on trouve des exemples de travail en application de ces systèmes de gestion.
* L'identification des forêts qui subsistent dans l'aire concernée a été rendue possible par l'utilisation de la photographie aérienne et d'études topographiques permettant de lever la carte du couvert boisé.
* Des rencontres ont été organisées dans les villages pour informer les participants sur l'importance environnementale des montagnes de l'Uluguru, et sur les modifications dans la Politique forestière qui allaient leur donner davantage de contrôle sur leur espace forestier et sur leurs espaces villageois (au moyen des Réserves de Forêts villageoises), tout en leur fournissant l'occasion de discuter avec le gouvernement sur leurs droits d'utilisation des Réserves Forestières.
* Le besoin a été déterminé de mettre en place des structures locales de gestion.
Le travail sur la gestion communautaire et la cogestion des forêts dans la Division Mkuyuni des montagnes Uluguru n'en est qu'à ses débuts. Les plus gros efforts sont actuellement dirigés à obtenir que la réserve de la forêt Kitumbaku soit déclarée Réserve de Forêt villageoise, pour être gérée par six villages différents. Il serait très important de réussir à éviter que la dernière forêt du mont Kitumbaku soit remplacée par des bananeraies, et de sauvegarder en même temps l'approvisionnement en eau potable des six villages qui l'entourent. Une partie du terrain a déjà été délimitée, et quatre villages ont reconnu le besoin de protéger leurs sources d'eau par la création d'une Réserve de Forêt villageoise.
Les leçons apprises dans les Forêts générales et dans les Forêts sous l'Autorité locale sur les versants des Ulugurus ont une incidence directe sur le développement futur de la cogestion des forêts dans l'Uluguru Nord, l'Uluguru Sud et d'autres régions:
* Les aires boisées les plus importantes des Ulugurus sont sous l'autorité du Projet des Forêts de Captation, qui est mandaté pour protéger autant les fonctions de captation d'eau pour les villes de Dar es Salaam et Morogoro, que la biodiversité d'importance mondiale des forêts.
* Il a été constaté que l'information disponible était insuffisante pour le dessin et la mise en oeuvre de la cogestion forestière dans les Ulugurus. Dans 10 villages d'une Division il a été possible de rassembler suffisamment de données pour avancer dans la gestion communautaire et la cogestion des forêts sur une période de trois ans. Cependant, il n'est pas facile de comprendre à fond les critères de propriété foncière de manière à assurer que les accords passés avec les gouvernements villageois seront respectés par les clans Luguru, ou par d'autres organismes de gestion et de propriété de la terre dans les Uluguru.
* Le levé cartographique des frontières municipales et villageoises a révélé que 50 villages, dans 19 Districts et 6 Divisions, sont à la lisière des deux grandes Réserves. Les villages sur les pentes des montagnes Uluguru et les terres basses adjacentes renfermaient en 1988 une population totale d'environ 400 000 personnes, qui s'est probablement accrue depuis. L'expérience dans la définition de zones d'utilisation par les villages, menée dans les 6 villages compris dans un seul secteur de forêt des Terres générales, indique que ce même travail, appliqué aux 50 villages dans les Réserves de l'Uluguru Nord et Sud, demandera un temps considérable pour être conduit avec succès. Il faudra également prévoir des méthodes de jalonnement de ces frontières.
* Certaines populations locales ont fait preuve d'une attitude très positive; elles souhaiteraient que des aires forestières soient sous leur propre gestion, pour mieux les protéger et pour protéger leurs sources d'eau. Cependant, il y a aussi des luttes de pouvoir dans chaque village, entre des éléments du gouvernement villageois qui voudraient destiner des terres forestières à l'agriculture, et les comités forestiers récemment créés, qui aspirent à y établir des systèmes de gestion.
Bien que le travail dans les montagnes de l'Uluguru soit à peine commencé, tous les efforts et tous les moyens y ont été appliqués pour le mener à bon port. Nous espérons que ceci pourra encourager d'autres communautés dans le monde entier à mettre en place des expériences du même genre.
Extrait de: "Community-Based Forest Management and Joint Forest Management, some beginnings in the Ulugurus", par Ernest Moshi, Neil Burgess, Eliakim Enos, Joseph Mchau, John Mejissa, Shakim Mhagama et Lameck Noah. Envoyé par Nike Doggart, Tanzania Forest Conservation Group; courrier électronique: tfcg@twiga.com