L’histoire sociale, économique et politique de la PNG a été façonnée par ses forêts tropicales. Ces forêts presque impénétrables qui couvrent 60 pour cent de la surface terrestre du pays ont limité le commerce, défini les lois coutumières et modelé la vie et la culture. Lorsque le monde pense à la PNG, il voit ses forêts.
Or, l’exploitation de ces systèmes de vie incomparables corrode maintenant la société et la politique de la PNG ; si elle ne laisse que des bénéfices économiques négligeables, ses effets sur la région sont, par contre, alarmants.
L’industrie forestière de la PNG est dominée par une poignée de sociétés malaises, dont la plus grande est Rimbunan Hijau. Cette industrie est synonyme de corruption politique, d’extorsion policière et de répression brutale des travailleurs, des femmes et de ceux qui remettent en question ses procédés. Ses opérations détruisent systématiquement les sources de nourriture, les réserves d’eau et la propriété culturelle de ces mêmes communautés. Elles fournissent un terrain propice à la contrebande d’armes, à la corruption et à la violence dans tout le pays. Cette industrie n’apporte aucun bénéfice économique durable aux populations forestières ; en revanche, elle génère des coûts considérables à long terme et ne verse au budget national qu’une modeste contribution de cinq pour cent.
La situation est loin de respecter le quatrième objectif national, défini en 1975 au moment de l’indépendance du pays : que les « ressources naturelles et l’environnement... soient conservés et utilisés pour le bien collectif de nous tous, et renouvelés pour le bien des générations futures ».
L’industrie forestière a de l’influence en PNG grâce à ses donations politiques, à son patronage public, à ses pressions et aux médias qui lui appartiennent. Ou bien, les entreprises « achètent » tout simplement les droits d’exploitation. Les ministres du gouvernement interviennent dans les projets d’exploitation forestière, à leur profit. Or, le pouvoir de l’industrie sur le gouvernement du pays s’étend bien au-delà du domaine forestier. Une société (Rimbunan Hijau, contrôlée par le milliardaire malais Hiew King Tiong) a des intérêts dans le secteur financier, les médias, la technologie de l’information, le commerce de détail, l’imprimerie, les voyages et la navigation. Ces intérêts s’étendent à l’extérieur de la PNG. La famille Tiong a des capitaux dans les médias de la Chine, la Malaisie, le Cambodge, Hong Kong, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Canada et les États-Unis, plus une station radiophonique en Nouvelle-Zélande. En Australie, les investissements des Tiong incluent le centre commercial Harbourside dans le port Darling de Sydney, et des entreprises qui représentent 10 pour cent de la production de mangues du pays.
Sans une action internationale concertée, la réforme de l’industrie forestière de la PNG est loin à l’horizon. À l’intérieur du pays, la corruption a suffoqué la volonté d’appliquer les lois existantes contre les intérêts des entreprises forestières. Lorsque des actions en justice ont été intentées, les personnes concernées ont subi des attaques, physiques aussi bien que commerciales.
En PNG, la capacité et la volonté politique de faire respecter la loi et les droits de l’homme sont menacées, notamment par l’industrie forestière elle-même. Parmi les cas inquiétants de violation des droits de l’homme figurent :
* Appropriation indue de terres. Le procédé par lequel le gouvernement de la PNG achète des droits d’exploitation aux communautés propriétaires de terres et délivre des « permis d’extraction » aux entreprises forestières est entaché de graves irrégularités et équivaut à l’appropriation illégale des terres boisées.
* Détentions arbitraires des propriétaires terriens et brutalité policière. Les tentatives d’éviter cette appropriation sont réprimées brutalement ; dans certains cas, les auteurs des violences sont des policiers qui travaillent au noir pour les entreprises forestières. Les atrocités documentées incluent des villageois roués de coups pour s’être adressés à la justice, des incarcérations sans chef d’accusation, des maisons et des récoltes brûlées, des animaux domestiques abattus avec des M16, et des hommes obligés à avoir des rapports homosexuels entre eux sous la menace d’un revolver.
* Intimidation et abus sexuel à l’encontre des femmes. Les femmes sont les suivantes à subir ces violences. Les « hommes importants » de la communauté se chargent des accords avec les entreprises forestières, et certains d’entre eux considèrent les redevances d’exploitation comme de l’argent obtenu pour rien, à dépenser en alcool et en armes. On a constaté des abus sexuels de la part des employés forestiers, ainsi que des mariages de convenance entre des employés expatriés et des femmes locales.
* Contamination des aliments et de l’eau. Loin d’apporter aux gens les avantages promis, l’exploitation forestière les prive de leur droit à un niveau de vie approprié. Les fleuves sont pollués par les sédiments en provenance des forêts éliminées et des pistes, et par les produits chimiques utilisés pour tuer les ravageurs et protéger le bois abattu. Les poissons, les écrevisses, les cochons sauvages, les casoars, les kangourous et les oiseaux, tous des aliments de base des communautés locales, ont quitté les zones exploitées.
* Destruction de sites et d’objets culturels et de cimetières. Il est rare que ces profanations soient compensées. Par de tels actes, les communautés sont privées du droit d’utiliser leur terre à des fins spirituelles et culturelles.
* Conditions de travail injustes. Les conditions de travail sont lamentables dans beaucoup de campements de bûcherons. Dans la province du Golfe, des travailleurs sont morts et ont été enterrés sur place, l’entreprise voulant éviter la dépense de retourner les corps à leurs familles. Il arrive que les travailleurs de l’industrie forestière ne soient pas payés, qu’ils vivent dans la promiscuité et dans de mauvaises conditions sanitaires, qu’ils travaillent de sept heures du matin à sept heures du soir, qu’ils n’aient d’autre choix que d’utiliser le transport de l’entreprise, qu’ils soient retenus contre leur gré dans leur lieu de travail.
Les violations des droits de l’homme se sont multipliées grâce à l’isolement physique des communautés forestières, et à cause de la corruption et des ressources insuffisantes du gouvernement de la PNG. Ces mêmes conditions ont permis l’existence du trafic d’armes, de bois et de personnes. La sécurité de toute la région, et non seulement le gouvernement de la PNG, sont menacés.
En PNG, la population locale est la plus compétente pour gérer la forêt de façon durable. Or, ces compétences sont ignorées dans le processus, contrairement à ce que prévoient les objectifs nationaux et les principes directeurs du pays.
Il faut suspendre immédiatement l’octroi et le renouvellement de tous les permis d’exploitation forestière. Le système actuel ne fonctionne pas.
Extrait de : "Bulldozing Progress: Human Rights Abuses and Corruption in Papua New Guinea's Large-scale Logging Industry", par le Centre for Environmental Law and Community Rights et l’Australian Conservation Foundation, 2006, http://www.acfonline.org.au/uploads/res_ACF-CELCOR_full.pdf.