Plantations certifiées en Uruguay : le FSC peut-il vraiment garantir la tranquillité aux consommateurs ?

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En mars 2006, le WRM a lancé une publication analysant la certification des monocultures industrielles d’arbres en Uruguay (“Greenwash: Critical analysis of FSC certification of industrial tree monocultures in Uruguay”, http://www.wrm.org.uy/countries/Uruguay/book.html). Le livre porte sur les quatre principales entreprises de plantation certifiées et inclut une analyse minutieuse des rapports des certificateurs, accompagnée d’interviews des travailleurs et des membres des populations voisines de la zone où se trouvent les plantations en question. Le rapport conclut que, n’étant pas gérées d’une manière « environnementalement responsable, socialement bénéfique et économiquement viable », aucune d’elles ne remplit les conditions du mandat du FSC.

Les deux entreprises de certification concernées (SGS et SmartWood) ont réagi en adressant leur réponse au FSC. En se fondant sur ces « preuves », le FSC a publié une déclaration intitulée « Le FSC garantit la tranquillité aux consommateurs » (voir http://www.wrm.org.uy/actors/FSC/Peace_mind.pdf). Les paroles du directeur du FSC International, Heiko Liedeker, y sont citées : « À la lecture des rapports des organisations de certification il apparaît que certaines informations contenues dans le rapport du WRM sont fondées sur des malentendus ou présentées hors contexte ». Il finit par affirmer que « les consommateurs peuvent compter sur le système FSC comme garantie de bonne gestion forestière ».

Nous sommes convaincus que, ce faisant, le FSC est en train de manquer une bonne occasion de changer, surtout dans le cadre de l’actuelle révision de ses normes en matière de plantations. Le rapport du WRM n’est absolument pas « fondé sur des malentendus » et il ne présente rien « hors contexte ». Il est fondé sur des faits.

Nous aimerions vraiment commenter la réponse de la SGS mais, malheureusement, nous ne pouvons pas le faire, pour la simple raison qu’elle n’a pas été rendue publique. En revanche, nous pouvons commenter celle de SmartWood (disponible sur http://www.wrm.org.uy/actors/FSC/fymnsa_clarifications.pdf), qui dit que « les conclusions du rapport du WRM sur l’interaction des diverses parties prenantes ne coïncident pas avec les informations que possède SW sur divers éléments ». À ce sujet, SmartWood donne les informations suivantes :

« Le rapport du WRM dit que le dirigeant du syndicat des travailleurs locaux (José Bautista) avait donné à SW son opinion sur la certification de FYMNSA et que SW l’avait ignorée (“lo que dije a SmartWood sobre la certificación de FYMNSA no lo tuvieron en cuenta para nada" : rien de ce que j’ai dit à SmartWood sur la certification de FYMNSA n’a été pris en compte). En revanche, après que SmartWood est venue évaluer les opérations de FYMNSA, quelques jours plus tard il y avait un grand panneau de SmartWood dans les bureaux de l’entreprise (“luego que vino SmartWood a los pocos días había un gran cartel de la certificadora en las oficinas de la empresa"). Nous souhaitons donner les précisions suivantes : SOIMANORPA, le syndicat dirigé par M. Bautista, a été créé en 2003. Il n’a jamais été interviewé au moment de l’évaluation initiale de FYMNSA tout simplement parce que cette organisation n’existait pas à l’époque. Il a été interviewé au cours de l’évaluation ultérieure d’une autre opération, Villa Luz, où il a rencontré les audits de SW, Jacques Boutmy et Rolyn Medina. Pendant cette rencontre il a signalé que, de son point de vue, le WRM n’était pas au courant de la réalité sociale ou de celle des travailleurs sur le terrain. Il a dit aussi que FYMNSA était une entreprise leader, qui permettait l’interaction du syndicat avec ses travailleurs, et que son syndicat était en communication permanente et ouverte avec FYMNSA. »

Voilà la version de SmartWood, que M. Heiko Liedeker semble considérer comme vraie.
Le 20 juillet, j'ai parlé avec M. Bautista pour lui demander s’il était d’accord. Il a répondu : « Tout est faux ». M. Bautista est une personne très ordonnée, qui garde des notes de tout ce qu’il fait. Il a été en mesure de retrouver celles concernant la réunion avec Jacques Boutmy et Rolyn Medina, et il a découvert qu’elle avait eu lieu le 20 octobre 2004, bien avant que le WRM ne commence à penser à mener cette recherche !

Je lui ai demandé plus spécifiquement si, à son avis, « FYMNSA était une entreprise leader qui permettait au syndicat l’interaction avec ses travailleurs » et si « son syndicat était en communication permanente et ouverte avec FYMNSA ». Cette fois encore, il a répondu : « est faux ». Pour ce qui est de l’affirmation de SW, qui dit que « son syndicat était en communication permanente et ouverte avec FYMNSA, Bautista a expliqué que, s’il est vrai que l’entreprise reçoit le syndicat, il ne s’agit là que d’une simple formalité, et il a ajouté : « il y a trois jours j’ai été interviewé à Rivera [la capitale du département où se trouve FYMNSA] par la chaîne 6 de télévision et par quatre radios locales, et j’ai dit que l’entreprise violait les droits du travail et qu’elle n’aurait jamais dû être certifiée. C’est peut-être la raison pour laquelle SmartWood a réagi comme elle l’a fait ».

Dans son rapport au FSC, SmartWood ajoute que « FYMNSA a embauché maintenant un consultant extérieur pour s’assurer que les lois du travail, les règlements et les procédures sont respectés à l’égard de tout le personnel et des sous-traitants. Ce consultant envoie des rapports mensuels à FYMNSA qui incluent des demandes de mesures de rectification ».

J’ai demandé à M. Bautista ce qu’il en pensait, et il a répondu : « Je n’en suis pas au courant ». On pourrait penser que le leader syndical avec lequel FYMNSA entretient de si bons rapports serait la première personne à apprendre une si bonne nouvelle. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Pire encore, M. Bautista a expliqué en long et en large la situation très conflictuelle vécue en ce moment en raison des violations des lois du travail par l’entreprise, et m’a adressé une synthèse des points principaux du conflit (voir http://www.wrm.org.uy/actors/FSC/Letter_Batista.html). Contrairement à ce que la réponse de SmartWood laisse supposer, le document de Bautista se termine ainsi : « Le dialogue avec le syndicat existe encore, mais FYMNSA n’a pas encore rectifié ses violations des lois du travail et son manque de respect à l’égard de l’organisation syndicale et des travailleurs ».

Même sans tenir compte de tous les autres effets négatifs d’ordre environnemental et social énumérés dans le rapport du WRM, ce qui précède suffit à montrer que, du moins dans ce cas où il y a violation des droits des travailleurs, le FSC ne peut pas dire sérieusement qu’il va « garantir la tranquillité des consommateurs ».

Ricardo Carrere, auteur du rapport mentionné dans le présent article. Adresse électronique : rcarrere@wrm.org.uy.