Équateur : la plantation certifiée Río Pitzará d’Endesa-Botrosa (*)

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En avril 2006, la société de certification allemande GFA Consulting Group a décerné le label du FSC aux opérations forestières de la société Endesa-Botrosa et à ses plantations d’arbres de Río Pitzará, un établissement de 8 380 hectares situé sur la côte de l’Équateur (GFA-FM/CC-1267). La certification FSC d’Endesa-Botrosa (qui appartient au groupe forestier Durini) est un rude coup porté sur les communautés locales paysannes, indigènes et afro-équatoriennes, dont les forêts et les styles de vie ont été dévastés par ces entreprises pendant des décennies.

L’évaluation d’Endesa-Botrosa par la GFA a été superficielle depuis le début ; cette organisation a systématiquement ignoré le non-respect des Principes et Critères du FSC de la part de l’entreprise. L’évaluation a été fait à partir d’un questionnaire que la GFA a envoyé par courrier électronique, début 2005, à 39 membres d’ONG, d’institutions et d’entreprises de Quito. Ainsi, la GFA n’a reçu aucune critique importante sur Endesa-Botrosa. Il faut signaler en outre que les personnes figurant sur la liste présentée par la GFA n’ont pas toutes reçu le questionnaire, et que certaines n’y ont pas répondu.

Pourtant, le plus grave est que la GFA n’a consulté aucun représentant des propriétaires des forêts naturelles où Endesa-Botrosa extrait plus de 73 % du bois utilisé. La plupart des forêts naturelles exploitées par SETRAFOR (l’entreprise appartenant au groupe Durini qui fournit le bois à Endesa-Botrosa), sont irréparablement dégradées ou tout à fait détruites par les exploitants forestiers. Cette destruction a des conséquences graves pour la population locale. D’autre part, l’organisation équatorienne Acción Ecológica a envoyé à la société de certification, en juin 2005, une plainte détaillée et formelle, qui peut être consultée sur http://www.wrm.org.uy. Dans les semaines qui ont suivi il y a eu des réunions avec la GFA, en Équateur et en Allemagne, où ces plaintes ont été exposées.

D’après le rapport de certification de GFA, l’établissement Río Pitzará d’Endesa-Botrosa est situé dans les provinces d’Esmeraldas et de Pichincha ; sa végétation naturelle est la forêt tropicale humide et la forêt prémontane humide. La plantation occupe 5 406 hectares, auxquels viendront s’ajouter 1 800 hectares supplémentaires dans les prochaines années.

Le rapport ne donne pas d’informations concrètes et détaillées sur la date et les circonstances de l’achat des terres et de leur remise à Endesa-Botrosa ; il ne dit pas non plus quels en étaient les propriétaires antérieurs, ni quelle était sa végétation originelle. Pourtant, dans cette région précisément, la concession de terres à Endesa-Botrosa a suscité des conflits très durs encore non résolus, des plaintes des paysans locaux et de l’ONG Acción Ecológica, ainsi que des enquêtes menées par des institutions publiques suivies de sentences défavorables à l’entreprise.

Un cas bien documenté est celui de la parcelle de 3 123 hectares El Pambilar, que l’Institut national de développement agricole (INDA) avait cédé à Botrosa en 1998. Après plus de deux années d’affrontements violents entre les paysans et le personnel de l’entreprise, de plaintes et d’enquêtes officielles, le Ministère de l’Environnement a confirmé en 2000 que 90 % des terres (2 830 ha) appartenaient au Patrimoine forestier de l’État (PFE) et que leur adjudication avait été illégale. Le ministère a décidé qu’Endesa-Botrosa devait restituer ces terres à l’État, et le Tribunal constitutionnel a résolu que les paysans devaient recevoir des indemnités de l’entreprise pour les dommages qu’ils avaient subis.

D’autre part, la gestion des plantations forestières d’Endesa-Botrosa est déficiente. Une étude menée par la GTZ en 1997 sur des plantations de « pachaco » (Schizolobium parahyba) a conclu que « la durabilité constatée dans la production de bois est limitée » et que « des éléments essentiels pour la durabilité de la gestion forestière en sont absents ». « En particulier, on a constaté des déficiences dans la reconnaissance du site forestier et du sol et dans l’analyse des nutriments, ainsi que dans l’adaptation de la machinerie aux faibles dimensions du bois et, surtout, dans la formation des opérateurs. » Il a été observé également que, dans ces plantations, de nombreux arbres tombent malades après sept ans et finissent par mourir, et qu’« un nombre de plus en plus considérable d’arbres situés dans les zones les plus anciennes de la plantation étaient en très mauvais état ». L’entreprise a perdu ainsi près de 2 500 hectares de plantations de « pachaco ».

Dans une autre étude on signale que les plantations de l’essence africaine Terminalia superba à Río Pitzará ont été établies dans une forêt secondaire, en abattant la végétation naturelle. Pour aggraver encore les choses, la région du fleuve Pitzará est, d’après la liste rouge de l’UICN, le seul habitat d’une espèce de grenouille très rare, Eleutherodactylus helonotus, qui est en péril d’extinction. Cette grenouille a été repérée à deux endroits seulement, proches du fleuve Pitzará, sur une étendue totale de moins de 10 kilomètres carrés. La transformation de son habitat naturel en plantations industrielles d’arbres peut provoquer l’extinction de l’espèce.

En dehors des plantations, il existe une autre exigence très importante du FSC qu’Endesa-Botrosa ne respecte pas : tout le bois non certifié doit être du « bois contrôlé », c’est-à-dire légalement exploité.

En résumé, les illégalités dans lesquelles l’entreprise a été impliquée, comme la concession illégale de terres du Patrimoine forestier de l’État, le conflit foncier violent avec les paysans locaux et les crimes commis contre eux, la coupe de forêts résiduelles, et le fait que la région boisée où la plantation de Río Pitzará a été établie est le seul habitat d’une espèce animale en péril d’extinction, n’autorisent pas la certification de la plantation. Et pourtant, elle porte aujourd’hui le label du FSC.

Natalia Bonilla, Acción Ecológica, adresse électronique : foresta@accionecologica.org, et Klaus Schenck, adresse électronique : klaus@regenwald.org.

(*) La société Endesa-Botrosa est notoire en raison de la dévastation gigantesque des forêts équatoriennes que provoquent ses activités d’exploitation forestière. Néanmoins, dans le présent article nous avons choisi de signaler uniquement les connotations de la certification de ses plantations, car c’est là le thème central de ce bulletin.