La réserve de forêt d’Omo, située dans le Sud-Ouest du Nigeria, fut légalement instituée en 1925 par l’ordonnance nº 10, amendée par la suite en 1952. À l’époque, la forêt était pratiquement inexplorée. Elle avait été cédée au gouvernement le 8 octobre 1918 pour qu’il en fasse une réserve. L’accord avait été passé entre l’autorité du district d’Ijebu Ode, en représentation du gouvernement colonial britannique, et l’Awujale d’Ijebu Ode, en représentation de l’administration autochtone d’Ijebu. La réserve d’Omo s’étend sur 1 305,5 km2 et elle est divisée en secteurs : le secteur J1 - J3 (519,3 km2), le secteur J4 (565,8 km2) et les enclaves (65 km2). [Ola-Adams, 1999]
Une enquête menée dans la réserve entre 1916 et 1918 avait signalé l’existence de 5 villages, d’un total de 30 établissements humains et d’une population de 610 personnes (300 hommes, 190 femmes et 120 enfants). Les établissements ont continué d’augmenter en nombre et en dimensions ; la population actuelle de la réserve est d’au moins 25 000 personnes et le nombre de ceux qui en tirent des bénéfices est estimé entre 80 000 et 100 000 [Karimu, 1999].
La réserve se trouve dans une forêt tropicale de plaine que l’on appelle la haute forêt. Dans son état originel, cette forêt possédait le type de végétation le plus complexe et productif du pays. La haute forêt fait partie de la zone de forêt tropicale humide de la Guinée et du Congo, et l’on estime que ce système comporte environ 8 000 espèces végétales. Une partie du secteur sud de la réserve inclut la ceinture originelle d’acajous du système.
Par suite des activités humaines permanentes, et en particulier de l’abattage et de la plantation d’arbres en régime de monoculture effectués dans le cadre du Projet de plantation forestière de l’État d’Ogun, le modèle de végétation de la réserve a considérablement changé. La végétation originelle ne couvre à présent que 0,4 % de la superficie totale, tandis que les forêts perturbées (coupées), les monocultures et les terres agricoles en occupent respectivement 60 %, 30 % et 10 %. Non moins de 35 775 grumes de soixante-cinq essences sont retirées chaque année de la réserve forestière d’Omo [NFWSG, 1994, cité par Ola-Adams, 1999].
Le précurseur du Projet de plantation forestière de l’État d’Ogun avait démarré en 1966. Son objectif était d’établir des plantations de Gmelina arborea destinées à alimenter l’usine de pâte et de papier d’Iwopin.
Le gouvernement de l’État de l’Ouest finança le projet jusqu’en 1972 ; à cette date, 2 000 hectares de plantations de Gmelina arborea avaient déjà été établis dans le secteur J6 de la réserve. Entre 1973 et 1979, le gouvernement fédéral du Nigeria accorda au projet des subventions pour appuyer l’établissement de 6 000 hectares supplémentaires de Gmelina.
Ensuite, l’État d’Ogun, par l’intermédiaire du gouvernement fédéral du Nigeria, obtint un prêt de la Banque mondiale pour établir encore 10 000 hectares de Gmelina arborea entre 1980 et 1987.
Lorsque le prêt de la Banque mondiale touchait à sa fin en 1987, la Banque africaine de développement fut contactée pour obtenir un prêt permettant de poursuivre le projet. Ce prêt fut accordé et devint effectif à partir de 1989. Quand la partie du projet assistée par la banque se termina aux alentours de 1995 et 1996, 23 130 hectares de plantations avaient été établis. À l’heure actuelle, c’est le gouvernement de l’État d’Ogun qui finance la poursuite du projet sur la même mauvaise pente.
Ces pratiques non durables se traduisent par une aggravation des difficultés que traversent les communautés de la forêt. Dans une étude récemment menée par les Militants pour les droits des peuples autochtones (IPRC d’après l’anglais), les habitants des forêts interviewés dans la plupart des enclaves ont signalé que la qualité et la quantité des ressources forestières avaient chuté en raison de la dégradation permanente provoquée par la surexploitation. Les ressources mentionnées incluent la viande de brousse (qui constitue leur source principale de protéines animales), le bois et les produits forestiers non ligneux.
Malgré la présence dans la réserve de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, le gouvernement de l’État d’Ogun n’a pas pris de mesures concertées pour atténuer les souffrances des habitants des forêts, qu’il s’agisse d’infrastructures et d’équipements sociaux tels que l’électricité, des routes accessibles et une bonne distribution d’eau, ou de moyens de subsistance de rechange.
Le mauvais état des pistes fait que le transport de biens et de personnes à l’intérieur de la réserve et dans les villages proches soit toujours difficile et cher, au point que le coût de la vie est très élevé pour une population qui est constituée surtout de personnes très pauvres.
Dans les enclaves visitées par l’IPRC, il n’y avait aucune source d’eau potable. Ces enclaves dépendent de ruisseaux permanents contaminés qui, d’ailleurs, sont en train de devenir saisonniers à cause des effets néfastes de la modification de la végétation dans les bassins hydrographiques. Quant à l’électricité, le seul endroit qui en dispose est le campement Grace, où se trouvent les bureaux et les logements du personnel du projet.
La démarche non participative et non durable adoptée par le service forestier de l’État d’Ogun pour la gestion des ressources forestières est inacceptable, comme le prouve un incident qui s’est produit les 23 et 24 février 2006. À cette occasion, la police du gouvernement étatique, menée par le commissaire de l’agriculture et de la foresterie, M. Dele Odujala, s’est rendue à l’enclave d’Ebulende (qui côtoie le secteur Iho de la réserve) pour détruire les plantations de cacao, de plantain et de noix de cola des paysans indigènes, en alléguant que ces derniers avaient éliminé les plantations d’arbres pour les établir. Ceux qui ont essayé de se battre contre les fonctionnaires gouvernementaux ont été dominés, certains ont été arrêtés et toutes leurs cultures détruites.
Il serait grand temps que le Service forestier de l’État d’Ogun mette fin à ces actes de brutalité et d’injustice. Il devrait reconnaître une fois pour toutes l’importance de la participation et de l’intégration des autochtones à la gestion de leurs ressources forestières, comme préconisé partout au monde. Il est urgent que le gouvernement reconsidère ses activités dans la réserve en vue d’atténuer les souffrances des habitants de la forêt et d’améliorer leur niveau de vie.
Chima, Uzoma Darlington, Indigenous Peoples Rights Crusaders, adresse électronique : punditzum@yahoo.ca