Sur les 3 500 millions d’hectares de forêts qui existent dans le monde, près de 63 millions sont en Colombie et la moitié d’entre elles se trouvent dans des territoires que les cultures indigènes et les communautés noires ont enrichis. Ces forêts abritent une diversité biologique qui est parmi les plus riches du monde, et elles sont le soutien des nombreuses cultures qui les habitent. D’autre part, elles interviennent dans le système climatique et hydrologique et sont l’habitat de formes de vie complexes et irremplaçables.
Néanmoins, comme il arrive dans de nombreux pays du Sud, la diversité biologique, les rapports entre la culture et la forêt et les conditions de vie de nombreuses communautés ont été tragiquement affectés par la mise en route de séries de productions forestières encouragées par l’USAID par le biais du programme Colombie Forestière. D’autres facteurs y ont contribué également : l’intérêt de l’État colombien à transformer la diversité biologique et le reste du patrimoine environnemental des peuples autochtones et des communautés noires en marchandises à la disposition du capital international et, en particulier, des États-Unis, à travers le TLC ; la mise en oeuvre de projets d’envergure concernant l’infrastructure routière et portuaire, les mines et la bioprospection ; l’établissement de plantations industrielles de palmier à huile dans les territoires et les espaces de vie des communautés indigènes et noires.
C’est dans ce cadre que vient s’insérer le projet de loi forestière débattu à l’heure actuelle dans le congrès de la république, que le sénat a déjà approuvé et qui est maintenant examiné par la chambre de députés.
Plusieurs organisations sociales colombiennes ont formulé des critiques à ce projet de loi, essentiellement parce qu’il ne réussit pas à mettre de l’ordre dans la situation chaotique de l’aménagement des ressources forestières du pays et qu’il risque de créer en revanche une situation juridique encore plus chaotique, qui aboutirait à l’impossibilité d’appliquer aussi bien les nouvelles dispositions que celles qui existent déjà.
Ces organisations dénoncent d’abord le fait que le projet a été élaboré sans la participation ni la consultation des communautés afro-américaines, indigènes et paysannes métisses, ni d’autres secteurs sociaux concernés par la question.
D’autre part, le projet de loi forestière prétend réglementer la gestion des plantations d’arbres et des forêts mais, d’après les organisations sociales, « son contenu est surtout destiné à encourager la production de bois dans le pays au moyen de plantations, et laisse de côté la possibilité d’une loi sur les forêts naturelles. Cette politique ne regarde pas l’environnement comme un tout, et ne considère pas non plus les forêts comme un écosystème, comme prévu par la Convention sur la diversité biologique, puisqu’elle prévoit de changer les organismes qui planifient et formulent les politiques du secteur et de modifier radicalement les institutions correspondantes, à tel point que la plupart du contrôle serait exclusivement à la charge du ministère de l’agriculture et de particuliers ».
On reproche également au projet de loi de faciliter l’accès des entreprises internationales à l’industrie forestière, par la création de notions juridiques qui permettraient d’exploiter les forêts indigènes des principales zones du Pacifique et de l’Amazonie. L’histoire a suffisamment prouvé que cela impliquerait très probablement la violation des droits des communautés autochtones, dans la mesure où seraient touchées les réserves indigènes, les territoires collectifs des communautés noires et les établissements de paysans.
Les organisations signalent que « la hâte manifeste dans le processus de discussion et la rapidité de l’approbation de la loi par le Congrès ne semblent pas correspondre à l’importance des effets qu’elle aurait sur la richesse forestière du pays et sur les droits de nombreux Colombiens. En revanche, il est connu que des institutions étrangères et des entreprises forestières ont exercé leur influence pour que le projet soit approuvé ». « L’adoption de cette loi, à la veille de la signature du Traité de libre commerce avec les États-Unis qui encourage le marché des services environnementaux, rend encore plus imminents les résultats catastrophiques prévisibles sur lesquels nous donnons ici l’alerte. »
La lettre ouverte où sont exposés les arguments mentionnés et qui a bénéficié de l’adhésion de nombreuses personnes et organisations peut être consultée sur : http://www.censat.org/Biodiversidad_Bosques_PL_Forestal.htm. Ceux qui souhaitent y souscrire peuvent contacter l’organisation CENSAT à l’adresse électronique : bosques@censat.org.
Article fondé sur des informations envoyées par CENSAT : “Declaración sobre el proyecto de Ley Forestal”, “Carta abierta al Congreso de la República”, http://www.censat.org/Biodiversidad_Bosques_PL_Forestal.htm.