Guyana: Conservation International accusée de "grand manque de respect" envers les peuples indigènes

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L'Association de peuples amérindiens (APA) a exprimé sa profonde préoccupation au sujet de la signature d'un Mémorandum d'entente dont l'objectif est d'établir une aire protégée dans la région sud du Guyana et a affirmé que ce mémorandum fait preuve d'un "grand manque de respect" envers les tribus locales.

La région sud du Guyana est considérée comme l'un des piliers du Système national d'aires protégées. Conservation International et le gouvernement du Guyana ont signé, le 23 novembre, un Mémorandum d'entente où ils accordent leur collaboration réciproque afin de déclarer la région sud du Guyana aire protégée. D'après les termes du Mémorandum d'entente, Conservation International doit fournir, entre autres, un million de dollars destinés à la création de mécanismes financiers capables de couvrir les coûts à long terme de l'aménagement des aires protégées du Guyana. L'institution versera un deuxième million de dollars si le gouvernement déclare la région sud du Guyana aire protégée avant le 30 juin 2003. Conservation International s'engage également, d'après le mémorandum, à chercher des financements auprès de donneurs privés, des gouvernements et des organismes internationaux, afin d'augmenter le capital des mécanismes financiers proposés.

D'après le communiqué de presse de l'APA, émis le 28 novembre (le document complet -en anglais- est disponible sur: http://www.wrm.org.uy/countries/Guyana/areas.html ), l'organisation est préoccupée par le fait que l'entente avec Conservation International a été signée avant même que le gouvernement ne finisse d'élaborer le brouillon des Réglementations des aires protégées et avant de compléter la révision de la Loi amérindienne. L'organisation accuse également Conservation International de ne pas avoir consulté les six communautés Wapishana de la région sud du Guyana, dont une partie des terres ancestrales seraient comprises par le territoire proposé en tant qu'aire protégée et dont le style de vie, de même que celui des Wai-Wai, serait modifié par ce changement. Les six communautés Wapishana se trouvent à Shea, Maruranawa, Awarenawa, Aishalton, Karuadanawa et Achiwib.

D'après le directeur régional de Conservation International -le général de division retraité Joe Singh-, il y a également des communautés Wai-Wai à Masakanari et à Erefoimo et, après les visites réalisées par des fonctionnaires de Conservation International et du gouvernement et suite aux rapports concernant les autres communautés rédigés par le professeur George Mentore -qui maîtrise la langue Wai-Wai-, les Touchaus auraient sollicité par écrit au gouvernement de démarrer le processus de création de l'aire protégée.

Dans sa réponse au communiqué de l'APA, M. Singh affirme que le Mémorandum d'entendement marque le début d'un processus au cours duquel toutes les parties intéressées au niveau national, régional et communautaire, seront consultées. D'après M. Singh, le fait de consulter les communautés Wapishana préalablement à la signature du Mémorandum d'entendement aurait été incohérent vis-à-vis de leur relation avec le gouvernement.

M. Singh assure que lors des consultations, les différentes opinions des groupes identifiés seront registrées, et que celles-ci seront présentées au gouvernement. Il a ajouté que le processus suivi serait similaire à celui qui est en cours actuellement dans le but d'établir une aire protégée dans la région des Montagnes Kanuku.

Le communiqué de l'APA affirme que, ayant pris connaissance des visites réalisées aux Wai-Wai ainsi que de la lettre adressée au gouvernement, les Touchaus de la région intérieure sud ont écrit à Conservation International afin d'exprimer leur préoccupation concernant le fait que le site proposé coïncide avec les terres ancestrales Wapishana et que Conservation International n'ait pas encore visité les communautés Wapishana.

L'APA qualifie les actions de Conservation International "d'irrespectueuses" envers les communautés Wapishana qui "devront ainsi cohabiter dans une aire protégée, longtemps après le départ des employés des organisations en question".

L'APA espère que la nouvelle Loi amérindienne aborde le problème des titres de propriété des terres ancestrales ainsi que d'autres questions en attente, mais s'inquiète du fait que, très probablement, les communautés ne disposeront d'aucune opportunité d'obtenir ces titres de propriété si le système d'aire protégé leur est prématurément imposé.

L'APA souligne que le Guyana a contracté des obligations internationales spécifiques concernant la reconnaissance et le respect des droits de propriété des peuples indigènes sur les terres qui leur ont appartenu traditionnellement ou qu'ils ont occupé ou utilisé d'une façon ou d'une autre. L'organisation exprime également qu'il s'avère difficile de comprendre pourquoi le Mémorandum d'entente fixe la date de déclaration des forêts du sud aire protégée, à juin 2003, lorsque d'aussi nombreuses questions sont encore en attente de résolution.

"Si les problèmes signalés ne sont pas abordés, non seulement les aires protégées et la conservation de la diversité biologique seront établies aux dépens des droits et des formes de vie des peuples originaires du Guyana mais, de plus, celles-ci ne seront pas durables" a rajouté l'organisation.

"Amerindian group slams memo on southern forest protected area. Conservation group says all stakeholders to be consulted", SN, le 4 décembre 2002. Article envoyé par Fergus MacKay, Forest Peoples Programme, courrier électronique: fergus@euronet.nl