En octobre 2002, la Banque mondiale a adopté une nouvelle politique sur les forêts. Revenant sur la politique antérieure qui interdisait à la Banque de financer des projets susceptibles de détruire les forêts tropicales anciennes, la nouvelle politique, approuvée avec l’appui du WWF, visait à favoriser une participation plus poussée de l’institution dans le secteur forestier. Le but était d’aider la Banque mondiale à atteindre les objectifs fixés par l’Alliance Banque mondiale – WWF, qui consistaient à intégrer 200 millions d’hectares de forêts dans un programme d’exploitation responsable (« une gestion durable des ressources forestières certifiée de manière indépendante »).
Bulletin Numéro 93 - Avril 2005
La Banke Mondiale
LE THÈME CENTRAL DE CE NUMÉRO : LA BANQUE MONDIALE
Le présent numéro est le résultat du travail conjoint de plusieurs organisations qui s’inquiètent du rôle joué par le Groupe de la Banque mondiale dans la destruction des forêts et la violation des droits des peuples des forêts. Les organisations qui y ont participé sont : Peoples Programme, la Rainforest Foundation UK, Environmental defense, Global Witness, SinksWatch, CDM Watch, Samata, Down to Eartch et le Mouvement mondial pour les forêts tropicales. La version imprimée du bulletin, intitulée « Broken Promises : How World Bank Group policies fail to protect forests and forest peoples’ rights », est illustrée par des photos et contient de nombreuses notes et références qui ne figurent pas dans cette version électronique. Les demandes d’exemplaires sur papier peuvent être adressées au Forest Peoples Programme (julia@forestpeoples.org) ou au Mouvement mondial pour les forêts tropicales (wrm@wrm.org.uy). Il en existe aussi une version en ligne, à télécharger du site Web du WRM : http://www.wrm.org.uy/actors/WB/brokenpromises.htmBulletin WRM
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Avril 2005
NOTRE OPINION
LA BANQUE MONDIALE DANS LE SUD
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21 avril 2005En 2004, le directeur du Projet pilote de gestion et de contrôle des concessions forestières (PPGCCF) de la Banque mondiale a décrit le système de concessions forestières du Cambodge comme « inapproprié sur le papier, dysfonctionnel dans la réalité ». Il aurait pu ajouter que tous les concessionnaires ont commis des infractions des lois ou des contrats et mis à sac ce que la Banque mondiale a dénommé « la ressource naturelle la plus importante du Cambodge du point de vue du développement ». Ces considérations n’ont pourtant pas empêché la Banque mondiale de consacrer cinq années à appuyer ce même système erroné de gestion et les pirates qui l’appliquent.
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20 avril 2005Malgré la controverse qui a entouré pendant des années les projets forestiers de la Banque mondiale en Inde, la Banque persiste à dresser des plans destinés à faciliter des prêts considérables pour de nouveaux projets forestiers dans plusieurs États du pays. En 2005, la Banque a lancé des projets pilotes de « gestion communautaire des forêts » (CFM) et de gestion participative des forêts (PFM) dans les États de Madhya Pradesh et de Jharkhand. Ces projets pilotes sont censés précéder des prêts importants visant des projets forestiers d’envergure à l’échelle étatique. La Banque mondiale déclare avoir appris des erreurs du passé qui ont découlé de ses prêts pour la foresterie sociale et la gestion forestière conjointe (JFM) en Inde.
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20 avril 2005La forêt tropicale de l’Indonésie est la troisième du monde par ses dimensions, et l’un des centres de diversité biologique les plus riches. La région est aussi le deuxième producteur mondial d’huile de palme, et sa production d’huile crue (HPC) a été, en 2004, de plus de 11 millions de tonnes. Tandis que les forêts indonésiennes disparaissent au rythme de 3,8 millions d’hectares par an, la surface affectée aux plantations de palmier à huile a doublé pendant la dernière décennie pour atteindre près de 5 millions d’hectares, soit à peu près la superficie du Costa Rica. La plupart des plantations de palmier à huile sont établies sur des terres qui, naguère encore, étaient des forêts tropicales mûres.
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20 avril 2005En 1989, lorsque la société australienne Snowy Mountains Engineering Corporation reçut commande d’effectuer une analyse de faisabilité, financée par la Banque mondiale, du barrage hydroélectrique Nam Theun 2, l’objectif du projet à l’étude était de produire de l’électricité pour l’exporter en Thaïlande.
BANQUE MONDIALE : POLITIQUES ET RÉALITÉS
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20 avril 2005En 1998, la Banque mondiale et le WWF ont annoncé qu’ils avaient conclu une nouvelle « Alliance forestière » visant à obtenir que, pour 2005, 200 millions d’hectares de forêts soient certifiées dans les pays clients de la Banque. L’Alliance s’est heurtée à de graves difficultés pour atteindre cet objectif. Du moment que la plupart des activités d’extraction forestière sont menées par des entreprises privées, la Banque manque de poids pour persuader ces sociétés à élever leurs normes de certification, mais la SFI, qui investit dans le secteur privé, n’a pas encore modifié sa politique pour qu’elle s’aligne sur celles du reste de la Banque et, de toute façon, ne fait pas partie de l’Alliance.
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20 avril 2005La Banque mondiale a annoncé qu’elle allait constituer un groupe consultatif externe (External Advisory Group, EAG) pour faciliter la transparence et guider l’application de sa nouvelle politique forestière. Le groupe aurait pour tâche de fournir à la Banque « des conseils indépendants » et aurait « le droit de divulguer ces recommandations ». Il se composerait de représentants des gouvernements clients, des peuples autochtones, des communautés locales, de la société civile, du secteur privé, de la « communauté forestière internationale » et des agences bilatérales et multilatérales.
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20 avril 2005La Société financière internationale est le membre du Groupe Banque mondiale qui prête directement au secteur privé ou achète des participations dans des entreprises privées qui ont des affaires dans les pays en développement. Mais le rôle déclaré de la SFI ne consiste pas seulement à aider les entreprises privées et leurs actionnaires à générer des profits : d’après sa déclaration de principes, la SFI existe pour réduire la pauvreté et améliorer les conditions de vie des populations par le développement durable du secteur privé.
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20 avril 2005En parcourant la politique de la Banque mondiale sur les forêts on est porté à croire qu’elle interdit à la Banque de financer des projets susceptibles d’endommager les « forêts critiques ». Pourtant, en regardant de plus près on aboutit à une interprétation très différente. Cela vient d’abord du fait que ce sont les services de la Banque, et personne d’autre, qui décident quelles parties de la forêt sont « critiques » et quelles ne le sont pas. Ensuite, la politique sur les forêts s’appuie sur les procédures de la politique sur les habitats naturels (révisée en juin 2001), qui permet de déroger aux proscriptions générales lorsqu’il n’y a pas d’alternatives possibles. Nous comparons ci-dessous le texte de la PO 4.04 – Habitats naturels, et celui de la PO 4.36 – Forêts.
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20 avril 2005Pendant les années 2000 et 1001, la Banque mondiale a organisé neuf consultations régionales avec des gouvernements, des industries et des organisations de la société civile du monde entier. Cette vaste initiative avait pour but déclaré de recueillir des contributions pour le développement de sa nouvelle politique opérationnelle sur les forêts. En outre, la Banque a institué un groupe consultatif externe (EAG) constitué d’experts, pour l’aider à formuler la nouvelle politique. Autant les consultations régionales que l’EAG ont fini par adresser à la Banque un message unanime et absolument clair : pour enrayer la perte et la dégradation des forêts du monde, la nouvelle politique opérationnelle doit être appliquée aux prêts de la Banque destinés à l’ajustement structurel.
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20 avril 2005La Politique Forêts de 1991 avait une vertu : sa simplicité. À la suite des révélations bouleversantes des années 1980 sur les énormes surfaces de forêt tropicale qui étaient détruites au cours des projets financés par la Banque mondiale – la construction de barrages et de routes, les puits de pétrole, les plantations, la colonisation et l’extraction de bois – la politique de 1991 instruisait les services de la Banque de se tenir à l’écart de tout projet susceptible d’endommager les forêts tropicales primaires.
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20 avril 2005La notion de marché du carbone en tant qu’instrument susceptible de « prévenir un changement climatique dangereux » est apparue pour la première fois en 1992, au cours des négociations qui ont abouti à la Convention cadre sur le changement climatique de l’ONU (CCCC). En application de la CCCC, les projets qui entendaient réduire les émissions de gaz à effet de serre pourraient vendre les émissions « évitées » à des entreprises qui trouvaient plus lucratif de payer quelqu’un que de réduire elles-mêmes leurs émissions. Bien que l’idée ait soulevé des oppositions, la première Conférence des Parties à la CCCC, tenue en 1995, a lancé une phase pilote « d’activités conjointement mises en oeuvre » (en anglais AIJ).
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20 avril 2005Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) est le principal organisme intergouvernemental pour les problèmes « mondiaux » d’ordre environnemental, y compris la perte de diversité biologique. C’est à travers lui qu’est surtout financée la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB). Depuis sa formation en 1991, de 30 % à 50 % des dépenses annuelles du FEM ont été destinés à des projets de conservation ayant trait aux forêts. En juin 2003, le FEM avait déjà alloué 778 millions de dollars US à la subvention de 150 projets de conservation forestière.