Du 3 au 14 mai 2004, des gouvernements du monde entier se sont rencontrés dans les salles sacrées des Nations unies à Genève, en Suisse, pour la quatrième session du Forum des Nations unies sur les Forêts (FNUF-4). Onze membres du Caucus mondial sur la gestion communautaire des forêts y ont assisté pendant la première semaine, dans le but de s’informer sur le processus du FNUF et, si possible, de plaider pour la gestion communautaire des forêts. Il faut avouer que les expectatives du Caucus étaient faibles quant aux résultats des délibérations des gouvernements. En revanche, le Caucus comptait fortement sur ce que la société civile pouvait et devait obtenir, par d’autres voies, dans les coulisses et sur les marges, peut-être même tout à fait en dehors du système de l’ONU. Ainsi, les faits marquants du FNUF-4 proviennent des événements parallèles, réunions collatérales et discussions informelles dans les couloirs.
La séance plénière du premier jour s’est ouverte sur les éloges des gouvernements sur leurs propres progrès et succès dans la mise en oeuvre des Propositions d’action convenues par le Groupe intergouvernemental et le Forum intergouvernemental sur les Forêts (GIF/FIF). Ces propositions d’action, à mettre en application à titre volontaire, étant plus de 270, le Caucus a présenté une déclaration qui presse les gouvernements à mettre à appliquer les cinq propositions prioritaires pour nous, qui ont trait à la gestion communautaire des forêts. (Les Propositions d’action GIF/FIF figurent dans les rapports GIF et FIF http://www.wrm.org.uy/actors/IFF/proposalsforaction.pdf ; la liste complète en anglais est disponible sur : http://www.un.org/esa/forests/pdf/ipf-iff-proposalsforaction . La déclaration du Caucus figure sur : http://www.forestsandcommunities.org/PDF/Caucus%20CBFM%20Statement%20UNFF4.pdf ). En outre, trois membres du Caucus ont été invités à faire des exposés au cours d’un événement parallèle organisé par l’Alliance des Peuples autochtones. Dans les couloirs de l’ONU, les membres du Caucus ont eu l’occasion de se contacter et de collaborer avec d’autres groupes de la société civile, eux aussi relégués aux coulisses du FNUF, et de rencontrer les représentants des délégations de leurs pays.
Le FNUF-4 a lancé une nouvelle initiative, censément améliorée, de « dialogue multi-parties » (DMP). Dans ce DMP, les organisations principales disposaient de trois minutes d’antenne, suivies d’un débat modéré. En travaillant avec les ONG et les groupes principaux de peuples autochtones, le Caucus a élaboré des déclarations portant sur les thèmes principaux, dont les aspects sociaux et culturels des forêts, les savoirs traditionnels sur les forêts, le renforcement des capacités et la participation. Pourtant, l’amélioration apportée par ce DMP semble infime. En effet, quelle est l’utilité d’un dialogue de ce genre si les commentaires des peuples autochtones, des représentants des communautés et des autres membres de la société civile ne sont pas intégrés aux résolutions du FNUF ? Le Bulletin des Négociations de la Terre (BNT) le signale bien : « Le fait que les décisions concernant les aspects sociaux et culturels des forêts n’aient comporté qu’une simple allusion aux peuples autochtones a permis de renforcer l’opinion que le FNUF ne reflète pas les préoccupations de la société civile » (Vol. 13, nº 116, 10). À beaucoup d’égards, le DMP est un rideau de fumée qui cache la réalité de la « participation » au FNUF ; il donne l’illusion de participer, tandis que les véritables négociations se font, comme d’habitude, entre les élites gouvernementales selon les arguments du commerce forestier et de l’exploitation traditionnelle. Le FNUF-5 (du 10 au 21 mai 2005) examinera s’il a été efficace à produire sur le terrain des changements visibles de la gestion forestière. Cette analyse se fera sans contribution aucune des membres de la société civile. Il ne nous restera qu’à la commenter depuis les coulisses une fois qu’elle sera complétée !
Voilà pourquoi le doute et le scepticisme planent toujours sur l’utilité du FNUF. Après plusieurs journées de débats, les décisions n’ont pas pu être adoptées. Il y a eu des désaccords sur plusieurs fronts, en particulier à propos des références aux droits des peuples et des communautés locales. D’après le BNT, « L’Union européenne, avec l’opposition du Canada, a réitéré l’importance de mentionner les droits des communautés autochtones et locales, à quoi les États-Unis ont ajouté ‘les intérêts’ » (op.cit. p.5). Le manque d’appui dont ont bénéficié les droits des autochtones SUR LEURS PROPRES CONNAISSANCES était décourageant. Aussi décourageant que les suggestions des États-Unis de faciliter un « accès » plus poussé aux connaissances traditionnelles sur les forêts : pour les entreprises nord-américaines, « accès » a toujours été synonyme de « biopiraterie » !
Une résolution a été adoptée au sujet des aspects sociaux et culturels des forêts, qui souligne le rôle des forêts dans l’éradication de la pauvreté et le besoin d’une participation effective des principales parties prenantes. Mais, comme nous l’avons signalé, les peuples autochtones et les ONG présentes se sont plaints que la seule référence aux peuples autochtones « manquait de substance » (op. cit. p. 10). Et, comme d’habitude, la résolution générale en question dit tout et ne dit rien : elle « encourage les pays à explorer des options de décentralisation de la prise de décisions concernant la gestion durable des forêts », tout en les poussant à « augmenter la participation du secteur privé » (op. cit. p. 6). Allez, c’est une bonne idée : on va décentraliser les forêts en les refilant aux entreprises privées. Ah mais... c’est déjà fait !
Quant aux résolutions concernant le suivi, l’évaluation, la présentation de rapports et les critères et indicateurs, elles ont souligné tout ce qui existe sous le soleil, mais surtout... que tous les rapports seraient volontaires ! Le compte rendu du BNT ( http://www.iisd.ca/forestry/unff/unff4/ ) et la page du FNUF ( http://www.un.org/esa/forests/index.html ) apportent davantage de précisions sur les résolutions adoptées.
La participation du Caucus au FNUF a eu des résultats positifs, tels que la collaboration avec l’Alliances des peuples autochtones, le travail en réseau et un cours intensif de relations internationales, mais le programme officiel a été décevant. Comme le signale le BNT, « un point qui a bénéficié du consensus à Genève est que le FNUF n’a pas été à la hauteur de ses objectifs déclarés, et qu’il n’est ni politiquement viable ni désirable de continuer sur la même voie » (op. cit. p. 11). Dans la mesure où il approche de la date de son évaluation quinquennale, il faudra qu’il trouve un moyen de « relancer la volonté politique des gouvernements » et de « susciter des actions concrètes » (p. 11). Mais, comme la plupart des membres du Caucus le savent, c’est une mauvaise stratégie que de trop compter sur les gouvernements : les résultats viendront de la société civile, particulièrement lorsque les communautés locales et les peuples autochtones auront affirmé leurs droits et assumé leurs responsabilités à l’égard de la gestion, l’utilisation et le contrôle de leurs forêts.
Lisa Ambus et Jessica Dempsey, Caucus mondial sur la gestion communautaire des forêts.
Le Caucus mondial sur la gestion communautaire des forêts est né à Bali en 2002, durant la préparation du Sommet de Johannesburg sur le développement durable. L’objectif d’ensemble du Caucus est que les communautés locales et les populations autochtones affirment leurs droits sur les forêts et assument leur responsabilité de les gérer, les contrôler et les utiliser de manière socialement juste, écologiquement rationnelle et économiquement viable. Vous trouverez des mises à jour sur le Caucus sur : http://www.forestsandcommunities.org . Rejoignez notre groupe de discussion en ligne en adressant un message à : globalcbfm@yahoogroups.com . Remarque : les opinions exprimées dans cet articles sont celles de ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement l’avis de tous les membres du Caucus mondial sur la Gestion communautaire des forêts.