Une fois approuvé par le Congrès, le Code forestier a été soumis à la sanction présidentielle le 13 décembre 2005. Le président Alvaro Uribe ayant fait objection à 12 articles, la démarche formelle consistait à retourner le texte au Congrès pour discussion. Les objections du gouvernement – au cas où elles auraient été acceptées – ne réglaient pas les inconvénients de cette loi, qui a été conçue pour livrer les forêts du pays aux entreprises forestières ; pourtant, on espérait qu’elles seraient débattues par les parlementaires. Or, le débat ne s’est pas produit.
Le 28 mars, la chambre de députés a approuvé en séance plénière le Code forestier. La séance a été précipitée, confuse et difficilement compréhensible. Les objections présidentielles ont été énoncées, et elles ont toutes été approuvées en quelques minutes, sans que les intéressés aient la possibilité de savoir ce qu’ils approuvaient. En un spectacle grotesque et honteux, pendant ce temps-là les parlementaires parlaient entre eux avec animation, riaient et utilisaient leurs portables. Plusieurs personnes qui, comme nous, étaient présentes en qualité d’observateurs et attendaient le débat, n’ont pas su à quel moment la loi a été approuvée. Le lendemain, à la séance plénière du sénat, la procédure a été encore plus aberrante : il n’y avait que quelques rares sénateurs présents, le quorum n’a pas été vérifié, la loi a été présentée hâtivement et adoptée sans discussion aucune des objections gouvernementales. Cela confirme l’intérêt obscur d’approuver une loi sans légitimité aucune, sous la table et en évitant le débat public.
Ces faits lamentables soulèvent de graves objections et portent à croire que la procédure a été irrégulière ou, du moins, contraire à l’éthique. Ils confirment que le gouvernement a mis en oeuvre une stratégie perverse et malintentionnée pour étouffer les critiques au code forestier et pour éviter toute modification substantielle du cadre juridique, de manière à faciliter aux grands investisseurs l’accès privilégié aux forêts du pays. Tout le long du processus, il a été évident que les principales entreprises privées, en étroite collaboration avec Chemonics (USAID) et les ministères de l’agriculture et de l’environnement, faisaient pression pour que le congrès approuve le code, en passant outre aux critiques sérieuses et réitérées de divers secteurs de la société colombienne.
De même, il a été évident que les parlementaires n’avaient reçu la Gazette du Congrès nº 50, qui contient les objections du gouvernement, que le 24 mars 2006. Le débat n’a donc pas été préparé. Malgré l’acceptation de 10 objections, la loi a été approuvée telle qu’elle est sortie de la Commission V de la Chambre qui, en fait, n’a pas touché à sa structure, ses objectifs ni sa portée, et ne s’est occupée que de « nettoyer et préciser le langage » de manière à surmonter les obstacles constitutionnels de type formel.
L’objectif était de dissimuler certains aspects pervers de cette loi, en particulier en ce qui concerne l’avenir des forêts domaniales et de celles appartenant aux communautés indigènes et afro-colombiennes. Il est évident que la plupart des membres du Congrès et le gouvernement national traitent avec irresponsabilité un thème aussi grave pour le pays que la préservation et la gestion durable du patrimoine naturel de la nation, l’un des écosystèmes de forêts les plus importants pour la planète. Après la procédure aberrante adopté dans les sessions du Congrès, le code n’attend plus que la sanction présidentielle.
Nous appelons les organisations autochtones, paysannes, afro-colombiennes et écologistes, ainsi que les personnes qui considèrent que les droits patrimoniaux des forêts de la nation et des communautés autochtones, afro-colombiennes et paysannes ont été violés, à manifester leur opposition à ce Code forestier préjudiciable et à entreprendre des actions pour la préservation des forêts, pour les générations présentes et futures du pays. De même, nous demandons que soit reconnue l’importance de la gestion appropriée, durable, responsable, participative et autonome des véritables propriétaires des forêts colombiennes, qui sont ceux qui les conservent et les enrichissent.
Plusieurs organisations colombiennes sont en train de promouvoir une campagne contre cette loi. Nous prions ceux qui souhaitent y adhérer de manifester leur appui à l’adresse électronique suivante : bosques@censat.org.
Grupo Semillas - Censat Agua Viva, Les Amis de la Terre - Fondation Swissaid- Paula Álvarez - Consejo Comunitario de la comunidad negra del río Cajambre- Cecoin - Consejo comunitario del río Naya - Consejo Comunitario de Cupica - Cabildo Embera Katío del Alto San Jorge - Mesa de manglares del Pacífico - Unión Territorial Interétnica del Naya - Consejo Comunitario del Naya - Fondation Jenzerá - REDJUAN - Re-movilidad Sustentable - Proceso de Comunidades Negras, PCN - Friends of the Earth International - COECOCeiba, Les Amis de la Terre Costa Rica - Programme Forêts des Amis de la Terre International - Mouvement mondial pour les forêts tropicales, WRM – RAPAL Uruguay - REDES, Les Amis de la Terre Uruguay - Eco La Paz Argentina - Organización Nacional Indígena de Colombia, ONIC. D'autres signatures suivent